Lierre au soir

Des fractions mobiles de mordorés denses,

illusions labiles rayonnent en cadences,

les sous-bois intimes chatoient d'indécence,

les bourgeons des cimes, chantent l'indolence.

Les nues s'éparpillent en myriades blanches

de feuilles de brindilles, glissent sur les branches

Fougères opportunes lierres envahissants

accrochent la fortune, assouvissent les sangs.

La mousse ensorcelle, l'horizon étend,

ses ramures au ciel, racines aux étangs

l'esprit qui appelle siffle doucement

des airs ou se mêlent la pluie et le vent

J'aime cette colline ces forêts ce temps,

cette eau cristalline calme mon tourment

les villes malignes attirent les sens,

dissimulent les signes, dissimulent l'essence


Ouaté

comme des cristaux d'éponges qui dorent au zénith,

des algues disparates par le jusant laissées

comme les chardons zélés dont nos talons meurtris

saluent la piqure âpre, bénissent les baisers.

C'est des perles de pluie sous un astre parfait,

quand tu brasses les écumes dans des gestes enivrés.

Et l'océan déplie, en géométries folles,

des kilomètres vagues, de rouleaux indécis.

Et les fruits de la terre, par le soleil blessés,

arborent des plaies béantes de fraîcheur juteuse,

de chairs qui s'offrent aux sens, et d'odeurs assouvies.

Ils abandonnent au vent des parfums doucereux

qui se mêlent aux effluves, des goudrons, des calfats,

des filets qui moisissent et des carburants chauds.

Un port de pêche tranquille ou résonnent les rires

des enfants sur les quais, qui traquent les crevettes

dans des éclats de voix.

Comme la brise de quatre heures, quand la terre a brûlé,

que la mer y insuffle le soupir des marées

Alors les îles respirent, les hommes se soulagent

de la brûlure du ciel, de la morsure du sel.

Comme si le temps ici, n'existait pas l'été

sur ce morceau de terre, prisonnier de Neptune

par les eaux mis en cage, par la mer préservé,

ce cadeau de la terre, offert à l'océan,

ou les souvenirs naissent, ou s'arrête le présent.


                                * * *

Les clés de l'incommensurable- car elles n'ont de trousseau- qui mettent nos coeurs en cage, l'arraisonnent de barreaux. A perdre haleine, il s'insuffle en nos visages des fins de regards blêmes, des phrases à perte de maux.

Qu'on immagine le pire, qu'on patiente dans l'étau, se resserent puis s'éloignent, des allées d'échafauds. Viens. Viens dans la couleur du temps, viens dans la morsure des gens, dans la mort sûre et lente, dans l'ammorce indigente. Viens dans l'abri que font nos âmes, à la faveur d'une nuit calme. Il n'y a plus de saisons. Affûtés comme la lame, reluisants d'aversion, nos cerveaux font le blâme. Ils creusent la sépulture de nos désirs, de nos passions, de nos amours, de nos passions.Ils creusent lassés de luxure, de chairs vaines et de poisons.Viens. Viens puis repart. Reviens seule et mourrons.

Et sur la place publique, à se dorer le blason, sont les prophètes lubriques. Ils chantent à l'unisson, ils nous assoiffent et nous vendent, toi l'esclave du Cà, moi sous-fifre innocent. Ils ne craignent ni les foudres, les tours qui s'effondrent, ils revendent la poudre, ils aiguisent les canons. Ils avilissent, ils abîment, ils parfont. Ils avilissent, ils salissent, et sous l'égide, l'empire, pour lemeilleur des ans vécus.Ils s'agitent, ils s'ennervent, ils vitupèrent et soufflent, chassent la vie des naseaux. Il n'y a pas d'amer heureux, il y a des amours mis à mort, des images moribondes, des pornographes zélés. Ceci est une ambiance vocale, ceci est le fruit de satan. Ceci, le bruit qu'on attend. Le mot cru qu'on entend. Laisse la vie et viens, meurs sous la plume et jouis, et renaît pour des cendres, puis descendre plus bas, Viens. Viens, veuille, et laisse moi.


                                   * * *

Je vois des lumières sombres
Je vois des chevaux de Troie cornus
qui m'empalent et m'exhibent
sur les pilliers de la vertu
je vois les eaux noires de styx hagards
de cours d'eau impétueux
et qu'à notre insu se prépare
le courroux enlevé des dieux
je vois des belzébuth d'albâtre
aux mirobolants attributs.
des ammoncellements saumâtres
d'apôtres écervelés ventrus
s'abandonnent en bacchanales
comme on peut danser l'âme à nu
et dans les brises de matin frêles
je chante car je vois les corps
les charniers qui nous entremêlent
dans de petits bonheurs bourgeois
Et soudain les cieux se dégagent
et soudain, l'abîsse impromptu
se désagrège et s'eclipse
en un assouvissement serein
alors je vois les nues
les trompettes divins,
les malicieuses venues
d'animaux chevalins
et mon esprit repose
quand le corps s'arc-boute
et mon esprit admire
-que je croyais éteint-
les encens et la myhre
et l'ire des anciens qui appaisent
les maux, et affallent les peurs,
et réduisent leurs galops sur ma tête en douleur.


                                   * * *

l pleut un coin, une rivière, il y tombe le soleil par grosse gouttes.
Il chante un bourdonnement serein, une tendresse animale.
Et un rocher s'éveille, salue la mousse fraîche, et tombe dessus par grappes, de la pluie en soleils.Les galets résonnent, claquant a tout -va, il tombe de la folie, une ivresse chantante.Et dans ce sang nouveau qui coule à pleine veine, et dans ce sang épais, et dans ce sang lourd de jeunesse soudaine, ce sang, de liberté épris, de passion étourdi, qui a subi le joug deneiges éternelles, dans ce sang coule la mort, la destinée funeste, dans ce sang coule la mort, le poison de l'infâme.


La sieste

Sans que nul n'envisage qu'en ce cocon discret,
ce, le temps d'une éclipse, d'un abandon parfait,
je trouve en cette élipse des recours délicieux,
aux orages et aux foudres, aux labeurs capricieux,
me prélasse aux confins d'une léthargie sourde,
me dévêt des morales, des censures si lourdes,
dont l'éveil m'accablait.

J'entrevois des mirages, des couleurs qui fulgurent,
je me vautre en image dans de sereines luxures.
Et le temps s'assoupit, se libère de l'empoigne
d'hologers immondes, de chronomètres fous.
S'assoupit, puis s'éloigne de mes volontés flasques.
Les cauchemards se repaîssent, les aiguilles en débâcle,
et des tic-tacs en berne.

Les idées imprécises...s'attardent. Se déforment.
Flou inimaginable, effluves de chloroforme,
saveurs exquises de l'âme, une lucidité louche,
un désordre certain dans des pensées tenaces.
Et, peu à peu, se profile le moment, ou la clepsydre riposte,
ou le sablier lent, cède à l'éternité, son ultime grain las ;
ou mon esprit en lutte ancre dans le rêve, de fragiles amarres,
s'accroche à la trêve; ou le corps se tend, se cabre, et ordonne,
aux paupières paresseuses de rejoindre l'instant.

Un roi

Ses épaules soutiennent le poids des ans
lors il revêt des atours de printemps
des folles mèches d'un albâtre précieux
à peine rosé de la clarté des cieux

Il trône fièrement, sans qu'aucun ne remarque
sa présence majestueuse, ses allures de monarque
il est roi dans la ville, et sans qu'aucun ne sache
il arbore des couleurs qui défieraient la hache

Sa fureur son panache, sa beauté impérieuse
rendent jalouse la cité et son âme douloureuse
roi des ans, roi des rues, innocemment tu rends
à la nature prestige, à la ville éclat blanc.

L'oiseau

Lors de novembres blêmes, de janviers orgueuilleux, quand l'appel des chemins, sur un ennui oiseux, consommait sa revanche et consumait les feux d'une vivacité folle, d'un désir vigoureux, nous parions nos chagrins d'atours moelleux et tièdes, de molletonneuses laines, de bonnets bigarrés, et partions téméraires dans un un furieux noroit.
Nous repoussions alors, le buste fléchissant, les assauts délétères, dont l'embrun et le vent, en d'incessants mystèresaffligeaient nos tourments.Et ce loisir, ce pas revigorant, cette marche hivernale, n'avaient pour seuls délices, que l'idée capricieuse d'un retour prompt et chaud, d'un coin du feu modeste, et d'un thé savoureux.
Au gré de ces ornières, de ces fiers littoraux, sur le roc de misère qu'il avait pour abri, il semblait indigent. Dans une posture vaine à entraver les vents, insoumis aux courroux d'un Eole fulminant, il narguait solitaire, les trombes et les trombes qui souillaient son plumage, le mouillaient jusqu'aux sangs.
Et point de chaude veste, de manteau délicieux. Pour lui guère de retour, de foyer harmonieux, d'âtre brûlant de fièvre, de parfums qui régalent autant l'âme que les yeux.
Pour lui ce roc humide, cette algue monotone, le vacarme du flot et l'inconfort des cieux.
Et dans cet oeil fixe, dans ce port majestueux, était l'attente sourde, la prière fervente. Abhorrant les hivers, rêvant d'avrils heureux, il était le martyre, d'une nature amère, d'un paysage hostile, et d'un Divin odieux.